La nouvelle télé-réalité Snapchat : HMI et Nasdas
HMI, Nasdas, Assya, Felicia… Ces noms vous disent sûrement quelque chose, et c'est normal. S'imposant comme les numéros 1 et 2 France sur la plateforme Snapchat, avec des millions de vues, HMI et Nasdas ont créé un nouveau genre de téléréalité qui façonne les rêves de toute une génération. Et ce n'est pas pour déplaire à une cible de plus en plus jeune : la génération Z. Cette génération délaisse de plus en plus la télévision traditionnelle au profit des réseaux sociaux. Selon l’étude YouGov, 70 % des jeunes de cette tranche d'âge utilisent Instagram et 52 % Snapchat.
Cette nouvelle télé réalité, produite et incarnée par les jeunes eux-mêmes, loin des grands groupes et des productions télévisées, donne l'image de l'accessibilité à ce nouveau métier. En effet, les spectateurs, souvent très jeunes, aspirent à devenir ces nouvelles idoles, promouvant du contenu divertissant dans des lieux parfois paradisiaques comme la Thaïlande ou Zanzibar. Ainsi, d’après l’étude publiée par le cabinet Morning Consult, 57% des jeunes de la Génération Z déclarent vouloir devenir influenceurs, un chiffre qui fait grincer des dents quand on connaît les risques que cela peut engendrer.
Et comment leur en vouloir ?
Quand HMI dévoile qu’il gagne entre 50 000 et 100 000 euros par jour grâce à ses stories Snapchat (soit l’équivalent de 23,7 ans de SMIC d’un français) difficile de ne pas être tenté... Pour les jeunes des quartiers populaires, ces parcours rappellent les leurs origines, leurs codes et leurs références. Sauf que derrière l’écran, la réalité est plus complexe.
La sociologie des réseaux sociaux nous apprend que ces plateformes fonctionnent sur le principe de l’identification. Les jeunes des quartiers populaires se reconnaissent dans le parcours de Nasdas et HMI, renforçant ainsi leur désir de suivre leurs traces, ce qui fait d’eux des modèles de réussite pour leurs spectateurs. Dominique Boullier, chercheur, explique dans son livre Sociologie du numérique que dans l’économie de l’attention, ceux qui captent le regard du public accumulent du pouvoir et du capital. Cependant, cette économie est profondément instable : les algorithmes changent, les tendances s’effondrent, et ceux qui dominaient hier peuvent disparaître du jour au lendemain. Antonio Casilli, de son côté, met en lumière dans son essai En attendant les robots, la précarité de ces nouveaux travailleurs du numérique. Selon lui, la visibilité ne garantit pas une stabilité économique et les créateurs de contenu doivent constamment s’adapter aux exigences des plateformes pour survivre. Cependant, cette quête de visibilité peut mener à une marchandisation de soi. Cette dynamique peut conduire à une perte d’authenticité et à une pression constante pour maintenir son image publique, mais aussi à vouloir faire toujours plus et plus grand ce qui pousse parfois à se mettre en danger…
Les dérives de l’influence
Si Nasdas et HMI incarnent une réussite fulgurante, ils illustrent aussi les dérives d’une société, où l’attention est devenue une monnaie. La course aux vues pousse à la surenchère : mises en scène spectaculaires, provocations, exposition permanente qui brouille les frontières entre vie privée et spectacle, harcèlement, dévalorisation des femmes, instrumentalisation de la religion pour le buzz. Quelle responsabilité individuelle et collective? HMI, compte en plus de ses 11 millions d'abonnées uniquement sur Snapchat, un doctorat en Big Data Data Science. Un bagage qu'il pourra assurément utiliser si les réseaux s'arrêtent.
Qu’en est-t-il du cas de ces milliers de jeunes qui rêvent d’influence sans plan B ?
Mais à qui réellement la faute ?
Aujourd’hui, les algorithmes de Snapchat, Meta et autres plateformes favorisent les contenus spectaculaires et viraux : Il est temps de les interpeller collectivement pour exiger des changements qui valorisent des contenus plus constructifs. L’enquête IPSOS x Ghett’up révèle que Instagram apparait comme le premier réseau social sur lequel les jeunes ont accès à du contenu engagé.
Voici 3 propositions qui pourraient inverser la tendance :
Des algorithmes qui poussent et valorisent l’engagement et différentes formes de réussites.
Des influenceurs qui tiennent des discours réalistes sur leur parcours et la réalité de leurs finances.
Une multiplication des débats avec les jeunes à l’école, dans les associations, en famille pour les sensibiliser à la réalité de ce genre de carrières et la nécessité d’avoir un plan de rechange.
L’histoire nous a déjà montré que les étoiles des réseaux peuvent s’éteindre aussi vite qu’elles ont brillé. Mais pour une génération bercée par l’illusion d’un succès instantané, le réveil pourrait être brutal...