La nouvelle génération qui choisit de se reconnecter à ses racines
Comment se réapproprier son identité grâce à son héritage ?
Quand on grandit loin de la terre de ses parents, la question d’appartenance peut devenir floue. Beaucoup ont hérité d’un vide narratif, à cause d’histoires tues, de langues non-apprises, de traditions effacées... Mais ces dernières années, de plus en plus de jeunes issus de l’immigration mettent en avant leurs cultures et leurs origines, souvent à travers l’art, la mode, la langue, la musique. La culture qu’on a essayé d’effacer est devenue une force. Ces initiatives sont contradictoires aux injonctions avec lesquelles ils ont grandi : on leur a demandé d’oublier, alors ils ont choisis de se souvenir.
Grandir loin du pays d’origine de ses parents, c’est grandir dans une forme de flottement identitaire, entre intégration, rejet et discrimination. Réinvestir sa culture, ça permet de mieux comprendre qui on est et de guérir des blessures liées à l’exil et à la déconnexion. On peut comparer cette déconnexion à un deuil d’une partie de soi, une facette de son identité qu’on a du mal à complètement connaître et apprécier. La culture devient alors un outil de survie, voire de guérison collective.
Clôre le cycle de la honte
Les enfants d’immigrés grandissent en observant leurs parents. Ils héritent inconsciemment de la honte et des regrets que leurs aînés ont dû intérioriser pour survivre face à la pression d’assimilation. On leur a appris à ne pas faire de vagues, à ne pas attirer l’attention, ne pas être trop visibles, trop bruyants, et surtout, à rester « humble ». Les enfants ont été témoins dès le plus jeune âge des scènes d’injustices et des discriminations qu’ont subi leurs parents. Les moqueries sur leur accent, les humiliations dans l’administration... Ce vécu est pour beaucoup un élément déclencheur de leur prise de conscience pour refuser de reproduire ce cycle de la honte.
Les blessures d’identité
Il n’y a pas qu’une seule manière de vivre l’identité entre deux cultures. Chacun développe un schéma d’adaptation différent, lié à la manière dont il reçoit ou rejette son héritage. Parfois, les enfants s’adaptent en s’éloignant de leur culture d’origine ou encore en rejetant leurs racines pour “se fondre dans la masse”. Dans les deux cas, ce n’est pas un simple changement culturel, c’est une blessure identitaire. Les projets portés par la diaspora créent des espaces d’expression (festivals, expositions, cercles de parole, ateliers…). On voit que la transmission se fait aussi bien dans la famille que dans les assos, les projets artistiques ou les initiatives citoyennes.
Les quartiers populaires sont des labos de créativité
Les quartiers populaires jouent un rôle clé dans cette dynamique. Ils sont devenus des foyers majeurs de créativité, là où les enfants jouent en permanence entre culture d’origine et culture dominante, où les pratiques artistiques et culturelles (rap, danse, théâtre, écriture...) servent à raconter d’autres récits et revendiquer sa juste place dans la société. Voir leurs parents vieillir crée un sentiment d’urgence : une fois qu’ils seront partis, que restera-t-il de leurs histoires ?
Les enfants de la diaspora multiplient les initiatives comme : Génération Panasiatiaques, Diasporas, Bondy Blog Chibanis, Les enfants du bruit et de l’odeur, PoetiKartier, CultureTribe, Air Afrique, Sauce Algérienne, Nayra, Bissai Media, Histoires Crépues, ByUsMedia, Décolonisons nous, et bien d’autres !
Transmettre pour réparer
En échangeant avec leurs parents, les jeunes deviennent à leur tour des passeurs de savoir, enseignant leur propre héritage aux futures générations. Ce besoin de documenter son héritage c’est plus qu’un besoin de préservation, c’est aussi un besoin de forcer la reconnaissance que leurs histoires méritent. Attention le but n’est pas de chercher la reconnaissance ou la validation des autres. L’objectif premier est que la communauté elle-même valorise ses parcours avec fierté. Après les colonisations, les génocides et les exils forcés, la violence des histoires migratoires n’affecte pas seulement les corps et les territoires mais aussi les langues, les mémoires et les pratiques. Faire vivre une culture, c’est lutter contre sa disparition. L’histoire de LEURS pays ne peut pas s’effacer si ses racines vivent en eux.
Un acte intimiste mais politique
Tout ne repose pas sur les jeunes de la diaspora, le travail est aussi fait par les locaux dans les pays d’origines. Mais dans les deux cas, se réapproprier son héritage, c’est aussi un acte politique. Dans un contexte post-colonial, c’est reprendre le fil de ce qui a été interrompu. En comprenant d’où on vient, on se construit mieux, on répare la sphère intime via le collectif. Apprendre la langue maternelle de ses parents, cuisiner comme sa grand-mère, porter ses cheveux naturels ou ses bijoux traditionnels, ce sont des gestes doux mais chargés de sens. Se réapproprier sa culture, c’est s’autodéterminer, s’émanciper des normes dominantes et reprendre du pouvoir symbolique.
Créer de nouveaux récits
Revenir à ses racines, ce n’est pas s’enfermer dans une identité figée, c’est ouvrir l’espace au récit collectifs, hybrides, plus inclusifs. C’est une manière de créer des parcours qui racontent nos sociétés et nos appartenances plurielles, une manière de repenser son histoire.
Les effets de cette reconnexion :
Meilleure estime de soi : on se sent plus légitime et ancré
Résistance à l’effacement culturel
Lien renforcé avec la communauté
Réappropriation du pouvoir narratif
Pour les jeunes d’ici, ce besoin de reconnexion n’est ni une tendance nostalgique, ni une volonté de revenir en arrière. C’est une démarche vitale pour se réparer, se connaître et se projeter autrement.