Santé mentale des activistes: quand la lutte pour la justice épuise
Dans ce décryptage, on vous partage les difficultés les plus communes rencontrees par les personnes engagées afin que vous puissiez les reconnaitre et prendre soin de vous et de vos amis activistes, travailleurs sociaux, journalistes, médecins, infirmiers et toutes les personnes qui gèrent de la violence au quotidien.
Le traumatisme vicariant, c’est quoi ?
Souvent confondu avec le burn-out, le traumatisme vicariant est une forme de stress post-traumatique indirect.
À force d'être exposé à des récits de souffrance, on intériorise les douleurs des autres.
Ce phénomène touche de nombreux professionnels de l'aide, journalistes, et même des citoyens engagés. En prenant soin des autres ou en étant témoin de leurs souffrances, on peut finir par porter leur fardeau émotionnel.
Les conséquences sont multiples.
Fatigue émotionnelle
Troubles du sommeil
Hypervigilance
Hypersensibilité
Sentiment de détachement
Des séquences dévastatrices
“Bien que j’aie quitté Gaza, c’est comme si j’y étais encore. J’entends encore les cris des enfants brûlés.” -Davide Musardo, psychologue de Médecins Sans Frontières
En étant témoins de l’horreur, ils absorbent une partie de la douleur des victimes, mettant ainsi leur propre santé mentale en péril.
Selon la National Library of Medicine (2022), environ 30 à 40% des soignants travaillant dans des zones de guerre ou lors de situations de crise humanitaire présentent des symptômes de stress post-traumatique (SPT) ou d'anxiété liés à leur exposition constante à la souffrance des victimes. Selon Médecins Sans Frontières (MSF), 67% des soignants ayant travaillé en zone de guerre ou dans des contextes de violence prolongée déclarent avoir été confrontés à des troubles mentaux tels que des pensées intrusives ou des flashbacks des événements qu'ils ont vécus ou auxquels ils ont été exposés.
Un mal qui nous touche toutes et tous ?
Il faut s’aider soi-même avant d’aider les autres. L’effet miroir, c’est quoi sans même être sur le terrain, on peut être affecté par notre lutte. C'est ce que @mekdavinci a vécu après avoir passé plusieurs mois à poster des vidéos de sensibilisation et de promotion de cagnottes palestiniennes.
L'horreur du génocide mais surtout "l'indifférence des personnalités publiques et entités influentes" qu'elle a contacté et "la fracture entre le quotidien profondément injuste des gazaouis et celui des occidentaux" ont impacté sa santé mentale jusqu'au point de non-retour.
“J’ai été forcée à arrêter toute forme de militantisme parce que je n’y arrivais simplement plus. C’était physique. “ -@mekdavinci
Le trauma collectif, c’est quoi ?
Le trauma collectif survient après des événements violents, tels que des guerres, des catastrophes naturelles, des actes de terrorisme, ou des crises sociétales, qui touchent une population entière ou une grande partie de celle-ci.
Quelques exemples :
Les morts d'Adama Traore, Zyed et Bouna, George Floyd et Nahel Merzouk ont laissé des traces indélébiles dans la mémoire collective (particulièrement chez les communautés concernées).
"Ça aurait pu être moi ou mon petit frère” Inconsciemment, on s'identifie à l'événement traumatique de notre communauté.
La pandémie de la COVID-19 peut aussi être vue comme un trauma collectif. Le confinement, l'isolement et le sentiment d'impuissance nous ont tous impacté psychologiquement. Certaines personnes vivent encore aujourd'hui des syndromes post-traumatique ou de l'anxiété dû à ce choc.
Suite au trauma collectif, on peut observer …
Un sentiment d'insécurité généralisé
La peur de l'avenir, l'angoisse face à l'inconnu peuvent devenir omniprésentes.
Des difficultés à faire confiance aux institutions
Quand la confiance envers les autorités est fragilisée, le lien social se distend, laissant place à la méfiance et à l'isolement.
Pour nous même, pour nos causes
" Prendre soin de soi-même ne relève pas de l'indulgence, mais de la préservation. C’est un acte politique “ -Audre Lorde, poétesse et activiste
Cette citation vient d’un extrait de ses essais "A Burst of Light", en français "Un souffle de lumière" écrits alors qu'elle combattait un cancer agressif, Audre Lorde parle de ses combats et de ses réflexions sur la santé physique et mentale.
On peut être affecté.e par des traumatismes sans les vivre directement. Lutter pour la justice est nécessaire, mais se protéger l'est tout autant.